Rêver mieux

Par Josée Durocher

Un jeune homme autiste des plus attachants m’écrit et me parle de son histoire, de son vécu actuel et de son avenir.

Peu d’hommes ont témoigné dans ce service qu’est Mot à Mot. Je tiens donc à reconnaître son audace et son franc-parler. Je vous invite à la lecture, évidemment!

« Mon nom est François-Patrick. Je suis une personne autiste de 28 ans et je vis à Saint-Hubert, sur la Rive-Sud de Montréal, chez mes parents. Je travaille depuis le 9 octobre 2018 comme manutentionnaire.

Aussi, depuis près d’un mois, je fais sur mon cellulaire beaucoup de casse-têtes et de coloriages par numéros en utilisant une application à cet effet. J’ai fait plus de 30 coloriages depuis début mai.

Auparavant, j’avais fait plusieurs tentatives infructueuses dans les milieux de la musique, du cinéma et de la télévision en tentant de chanter dans des endroits inappropriés pour faire cela et aussi en ayant écrit un récit avec ma mère intitulée “Un endroit pas comme les autres”.

Depuis début mai, je n’ai plus le goût ni le désir d’écrire des projets de ce genre, car c’est très exigeant et je n’ai pas toujours le temps, ni la capacité financière, ni le talent nécessaire pour faire ces choses. Aussi, je ne chante qu’à la maison.

Je me suis donné le courage de ne plus déranger mes parents à répétition avec ce sujet, car on m’a fait réaliser que je tournais en rond et que je n’allais nulle part, j’avais fait cela depuis l’adolescence.

J’ai essayé il y a quelques années, soit en 2016, de faire réaliser mon projet en websérie, mais le producteur qui l’avait adoré s’est fait tourner le dos par ses collègues qui eux ne voyaient pas les choses de la même façon.

Aussi, les personnes des milieux culturel et littéraire ne comprennent pas grand-chose à l’autisme. Tout ce qui semble les intéresser, c’est l’argent et ils ne veulent pas prendre de temps pour comprendre ce que je ressens comme autiste. Que ce soit par les réseaux sociaux ou par le téléphone, ils prétendent ne pas avoir le temps et se sentent harcelés.

Mes parents étaient écœurés de me voir me détruire et déranger tout le monde avec mes idées préconçues de réussir à tout prix dans les milieux culturel et littéraire. Souvent, ces gens ne voulaient rien savoir. Ils disaient oui, mais c’étaient souvent des oui empoissonnés qui s’évaporaient, je vivais donc dans un mirage que mes parents étaient écœurés de me voir vivre.

Aujourd’hui, je consacre de plus en plus mon énergie à mon emploi de manutentionnaire, à mes amis, ma copine autiste qui a le même âge que moi, soit 28 ans et à mes parents. Je priorise de plus en plus mon véritable avenir. Celui, qu’un jour je vole de mes propres ailes lorsque mes parents ne seront plus capables de s’occuper de moi et vivre seul. Le rêve d’être dans les milieux culturels et le milieu littéraire est exclu.

Je sais également que je devrais prioriser les choses comme un budget, acheter mon épicerie, mes vêtements, etc. Également, je prends des pilules pour l’épilepsie, dont je suis atteint depuis 13 ans (soit depuis 2007). Votre fils Dominik ressemble un peu à moi à cause de son épilepsie (c’est dur de vivre avec cela quand on est autiste).

Également, j’ai fait partie d’une chorale de janvier 2004 à mars 2007. Le directeur de cette chorale a vu mes comportements inappropriés et m’a mis à la porte quand je l’ai traité “d’écœurant de puant” en mars 2007.

Je souhaite d’ailleurs rêver de façon plus raisonnable sans avoir aucune attente. Car maman me le disait, en ayant des attentes, on est déçu en dernier quand ça ne fonctionne pas comme on le souhaiterait.

Merci beaucoup de prendre le temps de lire mon témoignage. J’espère que vous comprendrez que c’est dur pour un autiste d’avoir des rêves qui sont simples et réalistes. D’ailleurs, j’ai pris moi-même la décision de garder mon récit “Un endroit pas comme les autres” que j’ai écrit en 2013 et que j’ai pris sept ans à terminer pour moi tout seul comme une lecture personnelle. Je n’en ferai pas un livre c’est-à-dire que je ne l’imprimerai pas et qu’il ne sera pas vendu, car c’est trop cher de publier à mes yeux. »

Je suis touchée par François-Patrick. Ses mots résonnent en mon cœur de bien des façons. Étant moi-même auteure, j’ai cogné à plusieurs portes déjà afin de voir certains de mes livres publiés.

S’il est vrai qu’il est nécessaire d’être persévérant, il faut aussi revisiter nos rêves et les adapter à une réalité que nous choisissons autre que celle prévue au départ.

La résilience chez ce jeune homme réside dans le fait qu’il s’est souvent senti découragé, mais décide aujourd’hui de vivre sa vie en se fixant certains objectifs qui seront sûrement atteignables s’il le désire vraiment.

Merci. Merci, François-Patrick de t’être ainsi ouvert aux lecteurs et à moi, en nous partageant des bouts de vie qui sont tellement uniques.