Autisme : se fondre dans la masse

Par Josée Durocher

Il était une fois une jeune femme autiste qui, toute sa vie durant, a ressenti la grande pression sociale de se fondre dans la masse. Cette jeune femme, moi en l’occurrence, ne comprenait pas pourquoi elle se sentait différente pas plus que par quel miracle elle arrivait à vivre dans un monde qui ne lui ressemblait pas une miette.  Se fondre…

Depuis toute petite, j’ai toujours visé le but d’être comme les autres. Je me savais différente et je ne comprenais pas ces différences qui me distinguaient. Pourquoi est-ce que j’avais un mode de pensée qui me semblait unique? Pourquoi le fait d’effectuer une simple emplette m’était pénible? Pourquoi, dans un lieu où il y avait beaucoup de personnes, je me sentais comme une étrangère?

Depuis ce temps, j’ai compris. J’ai compris que je suis autiste Asperger et que j’avais beau tout faire pour embrasser la masse, je n’y arrivais tout simplement pas. J’ai accepté ce fait. Mais les vieilles habitudes de vie refont souvent surface lorsque je ne m’y attends pas.

Ainsi, hier, j’avais rendez-vous au petit café près de chez-moi. Au bout d’un moment, je ne m’y sentais pas bien du tout. Pourtant, cela m’a pris du temps à m’en rendre compte, un peu comme si je ne voulais pas l’admettre. Ça m’a fait penser à toutes ces fois où je n’étais pas bien et que je ne m’écoutais pas. C’est que j’avais acheté l’idée que tous mes malaises du genre étaient des caprices comme me le disaient les gens qui m’entouraient.

Cette fois-ci aurait pu être un copier-coller de tout ce que je vivais avant mais il n’en fut rien. Cette fois, j’étais consciente que je n’allais pas et je savais très bien la ou les raisons qui menaient à mes malaises. Je me sentais comme prise au piège et ce n’est pas trop fort de le dire!

Un achalandage hors du commun a eu lieu à un certain moment et plus les gens entraient dans le café, moins je me sentais bien. On aurait dit que tout l’air de la place disparaissait et moi, je suffoquais. J’étais à deux doigts d’une crise panique et plus je paniquais, plus j’avais l’impression qu’on me regardait. Soudain, le calme revint et, moi aussi, je me suis calmée.

Dans le passé, une scène similaire aurait eu des répercussions catastrophiques sur ma journée. Ne comprenant pas ce qui m’arrivait, j’aurais dépensé beaucoup d’énergie pour tenter de gérer, en vain, mon mal-être. Je n’aurais pas voulu qu’on me remarque et j’aurais tout fait pour que rien ne paraisse.

De retour chez-moi, je me serais couchée en position fœtale dans un lit qui m’aurait semblé trop grand, recouverte de couvertures qui n’auraient jamais été suffisamment lourdes et j’aurais braillé ma vie.

Hier, l’issue de mes malaises n’était pas celle-là. En comprenant enfin qui je suis et en acceptant tout ce qui m’habitait au moment où la panique promettait de me gagner, j’ai pu éviter le pire. Le regard des autres, bien que dérangeant, ne me bouleversait pas et j’ai pris soin de bien respirer tout en évaluant tout ce que je pouvais ressentir.

Aujourd’hui, je me dis que si j’ai ce fameux réflexe de toujours me fondre dans la masse en faisant semblant que tout va bien quand, en réalité, je ne vais pas bien du tout, je me ravise bien rapidement étant aussi très consciente de tout ce qui m’habite.

L’autisme, bien qu’il m’apporte vraiment tout un tas de problèmes m’a fait prendre conscience également qu’il recèle bon nombre de richesses. Et lorsqu’on me parle de limitations, moi je vois des défis à relever tout simplement.

Se fondre dans la masse ou plutôt cesser de tenter de s’y fondre est un défi de taille que je me suis lancé. Un jour, je serai en mesure de ne plus avoir ce réflexe de m’oublier pour être comme tout le monde et, ce jour-là, je serai une personne, autiste oui, mais une personne parmi tant d’autres.

Laisser un commentaire