En confinement et se sentir coupable d’aller bien
Par Josée Durocher
Dans mon élan dirigé vers les autres personnes autistes et ce que la pandémie leur fait vivre, je récolte les témoignages de gens intéressés à partager leur vécu. Ces partages sont accueillis, non pas de manière à en faire la critique, mais de façon empathique afin d’en faire profiter le plus grand nombre de gens possible.
J’ai rencontré celle que je nommerai M pour l’exercice, dans un groupe de discussion portant sur l’autisme. Elle est, tout comme moi, une membre active commentant souvent ou partageant ses nombreux statuts.
Il est étrange de constater combien les gens se ressemblant s’attirent mutuellement. Longtemps dans ma vie, je me suis sentie coupable de tout… même d’exister.
Sans plus tarder, voici le texte rédigé à deux mains, pour notre plus grand bénéfice à tous!
« Lorsque j’ai vu l’appel à témoignages de Josée, rapidement j’ai souri et je me suis sentie coupable. Je me sens coupable, car dans l’ensemble, le confinement va bien : nous n’avons pas de perte de salaire, je poursuis mes études normalement, et ce, dans le succès absolu. Mes notes finales entrent une à une, et je peux affirmer que les A dominent. Oui, je me sens coupable », m’écrit-elle d’emblée en commençant ce message qui m’est destiné.
Une culpabilité qui prend de la place!
J’étais curieuse de voir pourquoi ce sentiment imminent de culpabilité (pas constructif, il faut tout de même bien le préciser) prenait une si grande place dans la vie de M et je m’enquis de la suite de son message.
« Je me sens souvent coupable d’avoir du succès et d’être bien. Je me sens coupable que mon autisme soit « facile » en apparence. En effet, on m’a souvent fait le rapproche que ma vie semble facile, simple et que je ne connais pas l’adversité. Oh, mais si seulement les gens savaient, ils comprendraient pourquoi je suis la femme résiliente que je suis aujourd’hui.
Mais je ne vous écris pas aujourd’hui pour vous parler du passé, mais bien du présent. Ce présent qui est incertain et rempli de non-dits. Évidemment que ce n’est pas simple! Mais j’ai toujours eu pour mentalité de voir le bon.
Ça ne veut pas dire pour autant que je vis dans le déni, mais plutôt que je tente de mettre mon énergie là où ça vaut la peine de l’investir », m’explique M, et c’est tout à son honneur!
« Au début du confinement, j’ai eu un moment de panique et surtout pour mes études. Je suis une étudiante universitaire et je termine ma première année. Depuis le début, je suis à distance et merci la vie. Je trouve que c’est une formule merveilleuse qui me permet d’exploiter mes capacités sans le stress des foules, des gens, des bruits et bref de tous les stimuli divers de la vie étudiante.
Pas toujours facile
Alors, assise dans mon salon, tout va bien. Par contre, à la fermeture des écoles et des garderies, je me suis retrouvée avec deux jeunes enfants avec moi : mon garçon de 2 ans et ma fille de 6 ans. Penser dans ce contexte me semblait impossible. Je me suis retrouvée à paniquer et j’ai même contacté le Journal de Québec pour lequel j’ai donné une entrevue.
Je suis militante à mes heures et je déplacerais des montagnes. Les mesures tardaient à venir, les remises de travaux s’approchaient sans parler de la matière qui devait être vue. Par la suite, tranquillement, la panique diminua. Les enseignants ont annulé des modules à l’étude, d’autres ont reporté des remises et la plupart se sont montrés conciliants. Je ne pouvais pas demander mieux.
L’adaptation
Donc, je me suis rapidement rendu compte que les enfants sont plus calmes le matin, du moins, ils écoutent mieux le matin. Ils ont compris que maman n’est pas disponible pour jouer et qu’ils doivent me laisser faire mes lectures.
Honnêtement, ce sont des champions. Après le déjeuner, c’est la salle de jeu, je leur sors deux-trois trucs et je les entends jouer de la cuisine. De temps en temps, je dois me lever, gérer les crises, les chicanes et bien sûr donner les soins de base comme les nourrir, les laver et surtout les aimer.
Je pense que ce qui est le plus dur est cette culpabilité de les laisser un peu de côté pour mes études. Ma fille de 6 ans plus particulièrement semble trouver ça difficile. Mon garçon de 2 ans, quant à lui, a une grande sœur pour le tenir occupé.
Par contre, le plus dur dans le contexte, étant une maman autiste, c’est la gestion du bruit. C’est tout simplement envahissant et surréel. C’est toute qu’une gestion de soi et d’émotions! Et là-dessus, je serai honnête; la sieste de 13 h est davantage pour moi que pour eux! J’ai besoin de cette heure et demie pour me ressourcer, pour être seule avec moi-même…
Et avec tout ça, je n’ai pas encore parlé de mon conjoint. Oui, je suis une femme autiste, mère, étudiante et conjointe. Il est mon allié, mon bras droit et mon héros. Mon chum travaille pour un service essentiel, soit dans un entrepôt qui vend du stock en gros qui demande une carte de membre pour entrer 😉.
Il travaille beaucoup, au travers des clients impatients, la folie du papier toilette et sans parler de son rôle de papa qui l’attend à son retour. Il est toujours là, à me soutenir dans mes études et à faire sa part. Je ne connaîtrais pas ce succès sans lui! Ce serait impossible.
Mes examens se font en soirée, donc il a dû prendre la famille en charge pour me permettre de me surpasser. Avec tout ça, on peut s’occuper de notre couple, jouer à la PS4 et regarder des films. Nous sommes coupables, notre couple va bien.
Je me sens coupable d’être positive, d’oser dire que le confinement n’est pas si mal. Évidemment, je m’ennuie de mes parents et de mes grands-parents qui sont seuls depuis le début, mais la technologie permet de garder un certain lien.
Je me sens coupable de ne pas trouver ça si pire et de me dire que c’est juste temporaire. À la base, je ne voyais mes amis que quelques fois dans l’année, donc je ne me sens pas mal pour autant. Il en est de même pour les soins de beauté! Je n’allais déjà pas chez la coiffeuse et encore moins chez l’esthéticienne.
Je ne souffre pas des magasins non essentiels qui sont fermés : je commande par Internet tout simplement. Étrangement, pour une fois, je pense que mon autisme a joué comme facteur de protection à tout ce bouleversement. Ne pas sortir, ne pas faire de party, ne pas voir ses amis… c’est mon quotidien. Mon autisme me permet de vivre autrement, de voir la vie autrement. Malgré tout, je me sens coupable. Coupable d’aller bien », ainsi termine-t-elle.
Ma réponse à M
Moi, j’ai envie de lui dire qu’elle n’est pas seule à se sentir ainsi coupable que les choses se passent relativement bien dans sa situation actuelle. Mais je l’invite à miser davantage sur la fierté de vivre si bien à travers des tribulations multiples que d’opter pour la culpabilité.
La culpabilité, M, ne te nourrira pas, ne t’élèvera pas plus haut. En fait, à force de miser dessus — et j’en connais quelque chose, crois-moi — elle finira par te miner le moral, tu peux en être quasi certaine!
Sois fière d’être une personne avec de si nombreuses ressources. Sois fière d’appartenir à un couple qui tient bien la route. Sois fière d’être la maman que tu es et d’organiser tes journées autour de vos besoins à tes enfants et toi. Sois fière d’être l’étudiante investie que tu es! Sois fière de toi!
Je remercie M, pour toute sa candeur et sa générosité. Me faire ainsi confiance à m’écrire comme elle l’a fait, me touche énormément. Et plus encore, elle s’est fait confiance à elle-même ce faisant et ça aussi, c’est extrêmement touchant.
Si vous êtes comme M et que vous ressentez le besoin de vous exprimer sur ce que vous vivez actuellement, n’hésitez pas à communiquez avec moi en cliquant ici.
Vous pouvez être assuré de toute mon admiration pour les gens qui osent prendre la plume et se raconter. Vous pouvez également avoir l’assurance que vos noms et coordonnées ne seront pas divulgués.