Faut-il se justifier d’être autiste?

Par Josée Durocher

Il ne se passe pas une semaine sans qu’on entende parler d’autisme ou qu’on lise sur le sujet. Il y aurait davantage de diagnostics d’autisme parait-il et cela dérange énormément certaines personnes.

Outre notre entourage (oui, je suis moi-même autiste Asperger) qui nous demande souvent des explications sur notre condition, il y a les autres…

Ces autres ne nous demandent pas d’explications… ils en exigent! Un peu comme si nous devions prouver aux gens que nous sommes bel et bien autistes, on nous bombarde de questions – souvent très saugrenues et très personnelles- et on exige des réponses sur le champ.

Pour ma part, maintenant je dis aux gens d’aller lire sur le sujet avant de me demander quoi que ce soit et je ne me gêne pas pour envoyer promener ceux qui sont, ma foi, des plus indiscrets.

Mais, pour faire gentille, là, de suite…. Je vais vous parler de mon autisme.

Je suis autiste Asperger. Je suis fonctionnelle, du moins j’en ai l’air. Il y a tout plein de choses dont je suis capable dans la vie mais il y a des choses difficiles à réaliser sur lesquelles je travaille très fort et sur lesquelles je travaillerai peut-être très fort toute ma vie.

Ainsi, je connais les professionnels qui œuvrent à la pharmacie du coin depuis bientôt sept ans. Nous communiquons régulièrement mais personne là-bas ne sait à quoi je ressemble puisque je suis, pour le moment, incapable de m’y rendre.

J’habite un coquet appartement et j’y vis avec mon fils et ma mère. Si tout semble bien « tourner » à la maison, je ne pourrais en dire autant si je vivais seule. J’ai certaines routines mais il y a bien des choses que je tente d’y intégrer, sans succès.

Côté social, je ne sors que très rarement. J’ai quelques amis mais ils ne sont pas nombreux. Quand je sors pour les rencontrer, je dois être dans de très bonnes dispositions pour réussir à le faire. Mais, la plupart du temps, cela m’épuise. Cela m’épuise tant et tellement que j’en ai pour des jours à m’en remettre.

Je n’aime pas le toucher. Je n’ai jamais aimé ça. Auprès de certaines personnes, faire une accolade, une poignée de main ou faire la bise me « virent » à l’envers et j’ai l’impression d’être traversée par une énergie qui n’est pas mienne et je trouve la chose très agressante.

Je n’aime pas le bruit. J’aime bien la musique mais jusqu’à un certain point. Le bruit me monte à la tête et m’étourdit. J’ai souvent la nausée quand je me retrouve dans un endroit bruyant.

Je ne fais pas l’épicerie. C’est quelqu’un d’autre qui la fait. Et, si j’avais à la faire, elle se ferait par le Net, tout simplement. Me retrouver dans un magasin d’alimentation m’est très anxiogène et là aussi, j’en ai pour beaucoup de temps à m’en remettre.

Les nouvelles rencontres m’épuisent. Fixer un regard m’est très exigeant. Je regarde le front la plupart du temps! Mais pendant que je focalise sur le front de mon interlocuteur, j’oublie son discours.

Tout est intense chez-moi. La peine, la joie, la colère et la peur m’en font voir de toutes les couleurs! Et ces émotions, lorsque je les ressens, je les ressens très longtemps.

J’ai des intérêts spécifiques pour regarder certaines séries télévisées ou pour écrire. J’ai un talent particulier et c’est celui de rédiger, à la vitesse de l’éclair, tout ce qui me passe par la tête. Un peu à la manière dont je le fais maintenant, j’écris sans plan précis. Je n’établis pas de plan d’écriture lorsque j’écris un livre. Tout ce que je fais consiste à m’installer devant mon clavier et je tape. J’ai déjà écrit un livre en vingt-trois heures et un autre en trois jours.

Souvent, je ne comprends pas pourquoi je peux dire certaines choses ou ne pas dire certaines autres. Les conventions sociales me sont souvent étrangères et j’ai peine à les décoder. Ainsi, je passe pour quelqu’un de bête, de méchant, d’égoïste, d’étrange, etc.

Je suis, malheureusement, très naïve. Je tente de développer actuellement un système anti-naïveté en m’entourant de gens qui sont aptes à lire les contrats que je signe et à interpréter. J’essaie aussi de bien m’entourer. Mais j’ai tendance à faire confiance à tout le monde et cela m’apporte différents problèmes.

Comme beaucoup de femmes autistes Asperger, j’ai souvent été victime, dans ma vie d’abus, de fraude et même de viol.

J’en ai marre de devoir répondre aux éternelles questions qui ne finissent plus.

Mais d’un autre côté… dois-je vraiment me justifier d’être autiste? Je ne me justifie pas d’avoir les yeux bleus, un nez un peu trop long ou les cheveux bouclés, pourquoi devrais-je le faire pour mon autisme?

À méditer…

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