L’autisme, comme la couleur de mes yeux

Par Josée Durocher

Cette affirmation m’est sortie de la bouche sans même que je ne l’analyse. Je discutais avec l’animatrice, Sophie Durocher de QUB radio. J’ai dit un truc du genre : « Je ne considère pas mon diagnostic d’autisme comme une étiquette. Pour moi, c’est beaucoup plus comme si on venait enfin de me dire la couleur de mes yeux! »

J’étais sidérée et éblouie! Il y a eu, de mon côté, un moment de silence comme si je pesais enfin la teneur de tels propos.

Oui, pour moi, recevoir le diagnostic d’autiste Asperger a été une révélation. Ce jour-là, je ne m’attendais pas à avoir aucune réaction précise. J’avais juste hâte de savoir. Mais l’histoire nous dit, à mes proches et à moi-même, que ce diagnostic n’est pas une étiquette mais bien l’ensemble des couleurs que je porte.

Ce diagnostic m’a sauvé la vie, j’en suis convaincue. Car si j’étais des plus dépressive avant, toute trace de déprime est partie désormais et, dans mon ciel bleu, je ne vois aucun nuage susceptible de venir un jour assombrir ma vie.

Mettre un nom sur ce que je porte depuis la naissance ne me met pas en retrait, non. Cela ne fait que m’expliquer tous mes comportements, ma logique toute personnelle et mes élans. Et c’est avec plaisir, un plaisir avoué, que je dis ce nom à qui veut l’entendre et même à ceux qui en ont peur.

« Asperger! Asperger! Asperger! » Je suis une femme autiste Asperger. Femme d’abord puisqu’aux dernières nouvelles je suis humaine (rires) et ensuite Asperger parce que cela fait partie de moi. Je suis une personne qui ne souffre pas. Je ne suis pas malade ni contagieuse. Je ne suis que moi et c’est merveilleux de constater que je ne suis pas la seule à être ainsi.

Depuis que je me sais Asperger, j’ai d’abord rôdé autour des autres Aspies, pour voir juste un peu si on se ressemblait. J’ai eu l’impression, pour la première fois de ma vie, de revenir chez-moi. D’appartenir à un groupe aussi semblable mais aussi nuancé m’a fait réaliser que je n’avais jamais eu ce sentiment d’être bien… de me sentir à la maison.

Depuis que je me sais Asperger, je ne veux plus être une autre personne. Je veux être moi. Mais pour cela, faut-il encore que je me découvre davantage. Et c’est justement ce que je fais en observant tout de moi et en couchant tout sur papier.

J’ai l’impression quelquefois d’être dans une émission de téléréalité (je hais ce genre d’émission), mais j’aime ce que je vis. Je suis encore là, un paradoxe difficile à expliquer. Ce n’est pas une caméra qui me fixe… c’est moi-même. Je regarde tout ce que je fais en bonne observatrice et je commente tout ce que je vois par écrit.

Les découvertes qui sont faites ainsi me donnent, jour après jour, l’espoir que, plus jamais, la dépression en gagnera sur moi. Je me sens forte, vous savez. Vulnérable peut-être mais très forte aussi.

J’ai vécu tellement de choses inacceptables, tellement de choses horribles dans ma vie. Et maintenant que je sais que j’ai vécu tout ça, non pas avec certains travers ou caprices comme beaucoup de gens le pensaient et moi aussi d’ailleurs, mais avec des limitations qui sont miennes, j’ai l’impression que même le ciel n’est pas une limite!

Oui, car qui dit limite dit aussi qu’on peut repousser ces limites. Et c’est une idée enivrante pour moi qui me suis toujours sentie bloquée en quelque part par les obstacles de ma vie.

Alors, je fonce, tout en douceur mais sûrement, droit devant, en ne fixant plus mon passé. Je sais qui je suis et je veux tout comprendre de moi. En fait, c’est un peu comme tomber en amour… on veut tout savoir de l’autre. Mais là, c’est moi relativement à moi et c’est ahurissant tout le bien que ça me fait!

Tiens, je vous en souhaite autant! Je vous souhaite de trouver enfin la couleur de vos yeux!

2 commentaires

  1. nathalie le 2 juin 2019 à 20 h 46 min

    Oui revenir a la maison, cette maison qu on a jamais connu mais dont on se souvient,,,je crois que je suis asperger j ai 51 ans et je decouvre cette communauté je crois que j y appartient vraiment Tres bon de te lire j aime beaucoup



  2. Josée Durocher le 3 juin 2019 à 5 h 30 min

    Votre analogie est très bonne! Merci… très bon de savoir que je suis lue par des gens comme toi. Jx



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