Le meilleur des deux mondes

Par Josée Durocher

Je reçois que des messages intéressants à la suite de l’appel lancé sur les médias sociaux demandant des témoignages de personnes autistes vivant la pandémie! Aujourd’hui, mon choix s’arrête sur le fabuleux texte de celle qui préfère se faire appeler « Maman Raton ». Je n’avais jamais eu l’occasion de discuter, même brièvement, avec cette maman autiste de deux enfants autistes vivant dans une belle famille de quatre avec un papa, tout aussi autiste, pour venir compléter cette tribu.

Tribu? C’est le nom qu’elle emploie pour décrire sa famille. Cela me rejoint, car j’employais le même nom lorsque mes mousses étaient petits. Je suis attendrie par les mots de « Maman Raton ». Il faut dire qu’ils sont empreints de résilience et d’acceptation, de place faite à tout le monde et d’un droit indélébile au bonheur.

Je vous laisse sur le texte qu’elle m’a fait parvenir… une recette qui se veut totalement parfaite et parfaitement inspirante!

L’éducation spécialisée

« Je suis éducatrice spécialisée depuis presque 20 ans, j’œuvre au sein d’une commission scolaire à l’intégration des élèves autistes (et autres défis). Avant la commission scolaire, j’ai travaillé avec plusieurs clientèles avant de me rendre compte que les élèves TED (à l’époque) qui étaient intégrés au régulier représentaient la clientèle avec laquelle je me sentais le plus à l’aise et avec laquelle j’avais le plus de succès.

À 40 ans, j’ai découvert que j’étais Asperger; la même année, mon mari a eu le même diagnostic ainsi que mes enfants, deux ans plus tard. Nous sommes donc une famille atypique, une meute tissée serrée qui vivons dans deux mondes concrets à la fois.

Des règles pour soi

Sans le savoir, mon conjoint et moi avions déjà établi des règles à qui nous étions et qui sont restées. Ainsi, quand je parle de ma meute et de ma maison, les gens qui me connaissent savent que, chez moi, mes enfants ont le droit d’être autistes, il y a des « cachettes » pour lorsqu’ils veulent s’isoler; nous nous parlons parfois par texto parce que le bruit de nos voix devient trop envahissant après une journée d’école.

Mais, lorsque mes enfants vont à l’école, je leur demande de suivre les règles de l’école, les règles de la majorité… pour moi c’est une forme d’adaptation. Je sais que bien des personnes autistes y verront comme un rejet de qui nous sommes, mais ce n’est pas ainsi que nous le vivons.

Un confinement léger

Pour nous, le confinement s’est fait dans la joie et l’allégresse. Ma fille a appris la nouvelle avec soulagement. Elle m’a dit qu’elle était contente de ne plus avoir à faire « semblant d’être heureuse de voir les autres ». Et j’ai constaté à quel point le masque social était devenu lourd pour elle (et je dois avouer pour moi aussi des fois). J’ai continué à faire la classe à la maison, d’abord à tâtons puis avec un peu plus d’organisation.

J’ai beaucoup plus d’énergie que j’en avais avant la pandémie (une commotion cérébrale a durement mis à épreuve ma capacité de recharger mes batteries, et le masque social est depuis beaucoup plus difficile à porter quotidiennement).

J’ai donc pu recommencer à faire mon ménage, faire de la popote ce qui m’était presque impossible à faire quand je travaillais. Mon mari a perdu son emploi la deuxième semaine du confinement. Pour lui aussi, je crois que le poids du masque social était devenu lourd à porter.

Il faut savoir que parfois comme personne autiste il est difficile de se faire comprendre des employeurs, et cela crée des frictions qui ne sont pas toujours volontaires d’un bord ou de l’autre.

Des rapprochements…

Ainsi, la réclusion nous a rapprochés, nous a donné du temps pour faire des activités familiales. Nous avons adapté nos activités sociales à la nouvelle réalité déplaçant nos joutes de Donjons et Dragons via FaceTime. Nous avons appris à vivre un jour à la fois.

De mon côté, la tête toujours pleine de projets, j’ai mis sur pied un site de clavardage avec des éducateurs spécialisés pour les parents d’enfants à défis qui avaient des questions ou qui avaient besoin d’écoute. J’ai commencé à faire des Donjons et Dragons avec certains de mes élèves.

Une annonce difficile

L’annonce du retour en classe est ce qu’il y a de plus difficile en ce qui nous concerne. Les messages contradictoires des gouvernements, le flou total, que ce soit au niveau du retour en classe… ou même de mon propre retour puisque je travaille au secondaire me rendent anxieuse.

Pour ma fille, l’idée de devoir retourner en classe est très anxiogène. Elle ne veut pas y retourner, d’autant plus qu’elle devra changer d’enseignante puisque la sienne est enceinte. Mon fils, lui, semble plus ouvert, et mon mari, lui, ne semble pas des plus enthousiastes à reprendre le collier.

S’il y a une chose que cette pandémie nous a apprise, c’est de prendre soin de notre santé mentale, de nos besoins. Sans dire que je ne demanderai plus à mes enfants de suivre les règles du monde « neurotypique », je crois que je leur laisserai un peu plus de latitude dans la manière d’exprimer leurs besoins. Par la même occasion, je crois que mon mari et moi nous permettrons peut-être plus d’être « autistes » dans notre quotidien. »

En bref…

N’est-ce pas là une belle conclusion? Je ne peux rien ajouter si ce n’est qu’exprimer et respecter nos besoins, peu importe qui nous sommes, sont les ingrédients clés d’une pâte qui lève.

Et vous? Comment vivez-vous le confinement? Le déconfinement? Avez-vous réalisé des choses au sujet de vous-même ou de ceux avec qui vous vivez? Est-ce que certaines choses qui ont changé avec l’arrivée de la COVID-19 resteront changées pour le mieux?

J’ai hâte de vous lire… ou de vous entendre. Faites plaisir à toute la communauté autistique et prenez la plume. Inspirez les autres. Allez!  Écrivez-moi en cliquant ici!