Le supplice de la salle d’attente
Par Josée Durocher
Je suis autiste et je souffre d’anxiété. Je devais consulter mon médecin cet après-midi. Une chance que j’étais chez le médecin, car j’ai failli perdre conscience! Maudite salle d’attente! Trop petite avec trop de gens. C’est à croire que les spécialistes nous donnent tous rendez-vous à la même heure… Anxiété!
Premièrement, j’étais accompagnée. Alors, en entrant dans la salle d’attente, je me suis efforcé de trouver deux chaises une à côté de l’autre. Entre les gens qui prennent de la PLACE pour être certains que personne ne s’assoit à leurs côté, en mettant leur sac-à-main, leur parapluie tout détrempé et leur manteau sur les deux chaises avoisinantes, ceux qui se parfument à fond la caisse ou encore ceux qui nous font la gueule en nous voyant entrer, mon choix s’est arrêté sur deux chaises au bout d’une allée avec quelqu’un qui me fixait assis devant moi.
Il faisait chaud dans la salle d’attente et moi, en crise d’allergie aigüe parce que trop de parfums dans la pièce, je cherchais mon air et mes yeux pleuraient sans peine, croyez-moi!
Tout à coup, j’ai eu cette idée plate : faut surtout pas que je sois anxieuse! J’écris « plate » parce que, du coup, j’étais anxieuse. J’entendais tout le monde parler ou soupirer et les multiples conversations et les soupires eurent tôt fait de se transformer en bourdonnements dans mes oreilles.
J’ai eu encore plus chaud!
Et ce « fixeur » qui n’avait de cesse de me regarder, assis en face de moi, avait maintenant un sourire en coin qui m’intimidait. Il semblait réellement s’amuser de mes malaises et plus j’y pensais, plus il me regardait et plus j’avais l’impression de pouvoir lire dans ses pensées.
La nausée s’empara de moi… les étourdissements aussi!
J’ai pensé : tout le monde doit me regarder comme lui! Et je me suis mise à observer les gens. Il y en avait qui, effectivement, m’observaient sans gêne et sans scrupule. Ils avaient l’air de remarquer tous mes moindres défauts et c’est étrange, j’en avais tout un tas cet après-midi.
J’étais là, perdue dans mon anxiété ou perdue à cause de mon anxiété, et j’étais prête à quitter sans avoir les résultats de mes tests tellement je ne me sentais pas bien.
Une autre idée folle me vint en tête : je vais perdre conscience!
Et je me suis sentie partir… tout est devenu noir devant mes yeux et les bourdonnements dans mes oreilles sont devenus encore plus intenses. Je me suis sentie lourde quand, tout à coup, le médecin m’a sauvé la vie!
Il a dit mon nom! J’étais sauvée!
J’ai eu peine à marcher jusqu’à son bureau, mais plus j’avançais vers lui, mieux je me sentais.
« Vous n’avez rien de bien dangereux, vous savez madame. », me dit-il d’un ton très calme. Quoi? J’étais allée là pour me faire dire que je vais bien?
Points d’exclamation!!!
J’en ai voulu à mon spécialiste. Intérieurement, je l’ai maudit. Et je suis sortie d’un pas rapide de son bureau en tentant de ne pas remarquer le « fixeur » qui me regardait encore. J’étais vraiment fatiguée et j’en avais tellement marre que j’ai remis à demain les emplettes que je m’étais promis de faire plus tard.
Ce n’est qu’arrivée chez-moi que j’ai mieux soufflé. Et je me suis surprise à penser que j’en devais une à mon médecin. Pas que je lui en voulais autant qu’à l’heure de mon rendez-vous, non. Je ne lui en voulais plus du tout, en fait.
C’est en persistant et en m’entraînant que les salles d’attente comme celle visitée aujourd’hui ne me rendront plus malade d’angoisse. Et c’est en étant parmi les autres qu’ils ne me feront plus peur, eux et leurs jugements.
Tant mieux. Je m’en suis sortie tout à fait vivante. Une victoire de plus à mettre à mon tableau de route! On se revoit dans un an, docteur et d’ici là peut-être vais-je m’être suffisamment entraînée que votre salle d’attente ne me fera plus peur!