Le temps d’une réclusion
Par Josée Durocher
En discutant avec mon amie Patricia Dy qui est, elle aussi, autiste et conférencière, j’ai eu l’idée de lui demander un témoignage écrit de sa main, histoire qu’elle nous raconte sa réalité de confinement, mais aussi, je dois bien l’avouer, pour mon plus grand bonheur!
Patricia est une femme colorée, et sa réalité autistique la rend indubitablement unique. Jamais je n’aurais cru recevoir un témoignage aussi poétique, mais venant d’elle, cela ne me surprend pas vraiment.
À vous de vous gâter maintenant en la lisant et de comprendre qu’elle s’accroche à de petites routines qui lui font le plus grand bien.
Le temps qui s’arrête
« Je me demande souvent quelle journée nous sommes. Non pas à cause d’une perte de mémoire, même si cela me fait peur, parfois. En fait, j’ai l’impression que le temps s’est arrêté à l’intérieur de mon cerveau comme s’il y avait du sable dans l’engrenage de mon horloge interne et qu’elle ne me donnait plus l’heure juste.
J’attends impatiemment que le temps m’envoie un signal qui me semble éternellement long : comme si tout est figé dans un espace confiné et restreint. Cette réalité cloîtrée me gouverne dans une attente qui ne cesse de tourner comme l’aiguille d’une montre.
J’ai oublié, derrière moi, cette liberté de se mouvoir sans regarder le tic-tac d’une montre et me dire : j’ai encore du temps. Aujourd’hui, je l’attends d’un pied ferme à la maison, comme un enfant qui doit justifier son heure d’arrivée.
Les meubles comme le temps qui fait
Être là, dans un décor restreint et sans être capable de déplacer un objet, me donne une sorte d’assurance que je supporte bien afin de me sentir libre. Dans un espace où je suis contrainte et où je contemple le mobilier aux couleurs grisâtres, je constate que son aspect est toujours en harmonie avec le temps qu’il fait à l’extérieur de ma demeure.
Je vois les gens…
De ma fenêtre, je compte les passants qui déambulent comme s’ils se rendaient à un endroit précis ou peut-être veulent-ils juste prendre une bouffée d’air et respirer cette liberté qui semble être une illusion pour moi en ce moment.
Depuis le commencement de cet isolement, je croise mon reflet dans la glace de mon miroir à plusieurs reprises durant la journée, il me donne accès longuement aux détails sauf de mon visage entier qui semble s’effacer pour quelques instants.
Les raisins rouges
Mes repas sont un peu ébranlés par cette nouvelle réalité, mais j’ai toujours mes huit amandes qui complètent mon déjeuner, et ça me fait un bien fou! Le tout est accompagné de mes raisins rouges — pas les verts — pour moi c’est mon « orientation » pour débuter ma journée entourée de mon décor qui ne bouge pas pour le temps de ma réclusion. »
Je comprends Patricia d’ainsi s’orienter avec ses habitudes. Habitudes qui peuvent être très importantes pour une personne autiste. Moi-même, j’ai les miennes. La routine nous est importante et là, notre routine c’était un temps d’avant!
Moi aussi je me perds en regardant les gens passer devant chez moi quelquefois. Il m’arrive de me demander où tout ce monde peut bien aller.
Et vous?
Et vous? Le moral, il va comment? Certaines régions sont en déconfinement progressif, tandis que d’autres, non. Vous vivez cela comment? Comparez-vous, vous aussi, la couleur de vos meubles au temps qu’il fait? Ou, non satisfait de ce que vous voyez, êtes-vous à faire des projets de confinement? Peut-être êtes-vous artiste dans l’âme…
Néanmoins, il y aura un déconfinement un jour, et pour tous. Je nous le souhaite heureux.
Si vous avez envie de répondre à l’appel de témoignage du service Mot à Mot, n’hésitez pas, faites comme Patricia et écrivez-nous en cliquant ici.
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