Mon fils, mon héro autiste
Par Josée Durocher
Étant donné que mon fils Dominik a été diagnostiqué autiste Asperger à l’âge de 26 ans seulement, et malgré le fait que je suspecte une autre forme de pensée chez lui depuis qu’il est tout petit, il a dû s’adapter difficilement, mais tout de même, à la société tout en camouflant instinctivement qui il était vraiment, et ce, tout au long de sa vie d’enfant et de jeune adulte.
Le camouflage chez l’autiste est fréquent, surtout lorsqu’il n’a pas de diagnostic et qu’il recherche une vie en société en vivant ce qui ressemble à du confort.
J’écris « ressemble » puisque rien n’a jamais été confortable pour lui avant de recevoir ce fameux diagnostic qui allait tout changer.
Effectivement, je l’observe depuis et je remarque qu’il tente beaucoup moins de se confondre dans la masse. Je ne pense pas qu’il lui soit plus facile de vivre sa vie, mais s’il y a facilité, c’est dans le fait qu’il sache maintenant qui il est.
Cette sensation d’être toujours à part des autres, de ne pas être « correct » tend à disparaître. Plus il accepte l’autisme, plus il s’épanouit selon un rythme qui lui est propre et, honnêtement, ce rythme se veut souvent très rapide!
Plutôt que de chercher des excuses évasives pour ne pas participer à une activité, il clame haut et fort qu’il est autiste et fait l’activité comme il s’en sent capable. Il détermine et choisit aussi de participer à certaines d’entre elles justement parce qu’il est autiste.
Prenant une médication assez puissante pour calmer son anxiété, il a décidé, d’un commun accord avec sa psychiatre, de se sevrer graduellement pour apprivoiser cette anxiété qui l’habite plutôt que de tout tenter pour la faire taire sans y réussir véritablement.
Il est beau, mon fils. Il est grand, comme le grand homme qu’il est. Il parle aussi très ouvertement de son état sans jamais s’en servir comme prétexte pour ne pas faire certaines choses qui lui sont moins familières.
Étant donné sa résistance au changement, nous qui vivons avec lui nous devons nous adapter aussi. Jamais plus, moi qui suis impulsive, je ne le prends par surprise en lui proposant des choses à la dernière minute. Je sais maintenant qu’il a besoin d’un certain temps pour se familiariser avec tout ce que je lui propose.
Il est grandement attiré par un organisme qui regroupe d’autres autistes comme lui et se promet de participer aux activités qui reprendront à l’automne.
Oui, je le vois s’épanouir et devenir la personne qu’il tentait de cacher à tout le monde, moi compris, pour devenir la personne qu’il est destiné à être.
Doté d’une logique presqu’implacable, il prend de plus en plus confiance en lui aussi. Pour ma part, je trouve souvent difficiles nos débats, car je sais d’avance qu’il les remportera.
Et il fait tomber le mythe de l’autiste qui ne peut ressentir d’empathie, car de l’empathie, il en a à la pelle! Pas pour ceux qu’il ne respecte pas, il en est incapable. Mais pour tous les autres, oui.
Il a très peu d’amis. Il en a toujours eu très peu. J’ose croire que le fait de s’intéresser à l’organisme mentionné ci-dessus lui permettra de s’en faire des nouveaux.
Il aimerait retourner sur le marché du travail dans un avenir pas si lointain et je le lui souhaite de tout mon cœur. Pour ce faire, il veut se remettre en forme, car son historique médical et les différents traitements qu’il a reçus (pour des troubles qu’il n’avait apparemment pas) l’ont quelque peu éloigné de la forme physique qu’il devrait avoir à son âge.
S’il a camouflé ce qu’il jugeait être des malaises tout au long de sa vie, il goûte désormais à une très grande liberté de nommer qui il est et je vois tout le bien que cela lui fait. Vivre pleinement est quelque chose d’enivrant.
Et j’apprends tellement, moi aussi, en le regardant vivre sa vie maintenant qu’il sait. Si mon fils arrive à être aussi authentique et n’abdique plus devant l’inconnu, j’en suis capable aussi.