Une vie rêvée le confinement?

Par Josée Durocher

Je suis heureuse de donner la parole aux gens qui en ressentent l’envie ou le besoin. Je suis toujours très émue de lire ces mots lancés dans mon écran, d’abord, juste pour mes yeux, ensuite pour nous tous.

Le message de K ne fait pas exception à la règle.

Elle est une femme autiste qui me décrit l’avant COVID-19 et le confinement… la peur du déconfinement et ses appréhensions relativement à ce qu’elle qualifie de « vie normale ».

Je ne mentirai pas. Je me retrouve dans certains de ses propos. Je vous invite à la lire avec toute l’ouverture dont vous êtes capable. L’autisme a son lot de défis, et ce texte l’explique très bien.

Une réalité souffrante

« Vidée, envahie par mon quotidien à moitié adapté, à moitié compris, à moitié incompris… Je vivais dans la peur, petite et seule dans ma bulle d’autiste. J’étais à vif. Surchargée de tout, de la vie qui va trop vite.

Insomnies, problèmes de couple, surcharges de travail, stress, stress, stress! La crise existentielle qui te pousse à quitter ton conjoint, ta vie coconnage qui ne l’est plus. Par chance, un rendez-vous était fixé avec mon éducateur spécialisé, mon conjoint et moi. La sensibilisation était enfin pour se faire.

Le neurotypique vs l’atypique, on allait pouvoir enfin afin d’éclaircir nos jours sombres. Puis le rendez-vous tant attendu est reporté, puis reporté, puis encore reporté. Les nouvelles ne sont pas bonnes. La population hiberne, les gens attrapent le virus. La pandémie s’installe.

Puis, la pandémie

Vint la peur du changement, car une de mes grosses difficultés, c’est le changement de de routine si bien ancrée dans mon ordinateur de cerveau. Cette crise mondiale qui n’existe que dans les séries que j’aime. Ce virus qui change le fonctionnement normal de l’humain, radicalement.

Je pleure, je vis mal, l’anxiété, les rangées vides, section conserves. J’avais déjà vu ça, oh que oui, mais dans mes séries de prédilection… puis 4, 5 jours. Puis vint le jour où je commence à vivre enfin, à 41 ans.

Mes peurs, les incompréhensions dans mon couple, ma bulle qui était crevée sur laquelle je tentais de mettre de gros pansements ; tout est parti avec la pandémie, et ma bulle s’est réparée seule, rapidement.

Une nouvelle réalité

Je respire maintenant. Ma réalité d’autiste est devenue la réalité. Plus de sonnerie à la porte, plus de visites imprévues, plus de soupers anxiogènes organisés. Mon couple va bien, les tensions sont parties. Le calme est là, et je ne veux pas qu’il nous quitte. La distance du deux mètres… oh, que je l’aime celle-là! Ma bulle douillette qui s’était déchirée s’est reformée, et mon ordinateur s’est rebooté par lui-même.

Je dors mieux, beaucoup mieux. J’ai recommencé à lire, à écrire. Je gère tellement bien mon horaire au quotidien. C’est comme si j’avais tout mis sur une clé USB. Comme pour que ma machine de tête soit vide, prête à commencer un nouveau chapitre tout neuf.

J’ai de l’énergie, j’ai perdu du poids, je fais une activité physique chaque jour. Tous mes projets mis de côté depuis plusieurs années commencent à se concrétiser. Je sais exactement où je m’en vais. J’aime ma vie, enfin.

Oui, c’est effrayant ce qui se passe actuellement, je ne veux pas l’attraper ce fichu virus, car je fais des bronchites chroniques et de grosses allergies saisonnières, mais pour la première fois de ma vie, je suis bien sur cette terre. J’applique les règles émises par le gouvernement avec rigueur telle une autiste. Je ne me sens pas en confinement, au contraire! Je me sens vivre!

La prison dans laquelle je vivais s’est ouverte. Ma bulle, je l’ai quittée un peu. Je ne suis pas en manque de social, je ne m’ennuie pas des fêtes, des foules, de la vie NORMALE, car ma vie, c’est le mode confinement. Je ne sais pas comment je ferai pour revenir dans la fameuse vie NORMALE. »

En bref…

Quel texte touchant! On sent, en le lisant, toute la souffrance que K peut ressentir en des temps plus « normaux ». Sa détresse est telle qu’elle est prête à peut-être même changer de vie complètement.

Et, soudainement, le coronavirus. Une brève adaptation et la découverte de sa liberté dans un monde enchaîné par la peur.

Je comprends tout ce que raconte K dans son message. À différents niveaux, moi aussi, l’autiste que je suis se régale de ses journées passées en confinement. Comprenez-moi bien, certaines personnes me manquent intensément, mais je m’accommode bien de toutes les nouvelles règles de vie sociétaires.

Merci K de t’ouvrir ainsi au sujet de ta réalité. Il en faut des gens comme toi pour témoigner afin de joindre les autres et les toucher!

Si vous avez envie, vous aussi, de témoigner de votre réalité, n’hésitez pas à m’écrire en cliquant ici. Je vous promets tout le respect dont je suis capable dans le traitement de votre texte.