Je vis de la détresse et j’ai le cœur brisé!
Par Josée Durocher
Amélie m’a écrit un texte très éloquent au sujet de sa réalité actuelle, et j’ai dérogé à ma règle de 1000 mots et moins pour un témoignage. Vous allez comprendre pourquoi. Je vous invite à le lire ici.
« J’ai reçu un appel de la police, car des voisins se sont plaints, et une voiture a presque frappé mon fils autiste, mon enfant précieux… ma raison de vivre. Cela fait déjà deux ou trois fois que ça risque de lui arriver.
Selon les agents qui ont sondé le terrain et qui ont parlé avec les voisins, tous sont inquiets. On prétend que j’ai besoin de services pour mon fils, mais ça, je le sais. L’école est fermée.
J’ai bien frappé à quelques portes pour obtenir les services d’une psychoéducatrice et d’une pédopsychiatre. Mon enfant est TDAH sévère et peut, par mégarde, manquer de jugement et traverser la rue sans regarder occasionnellement.
Il est autiste et fait beaucoup plus de crises surtout depuis la fin mars avec l’arrêt de l’école en raison de la COVID-19, ce qui peut déranger le voisinage. Surtout lorsque la crise se produit dehors.
J’ai de l’aide du système publique, des répits de quelques heures ici et là, ainsi que des services en psychoéducation. Avec la pédopsychiatre, j’ai un suivi au téléphone sur une base régulière.
Il a commencé le Séroquel pour diminuer l’agressivité, car il me pinçait les bras et lançait des objets lors des crises. Cela a aidé, mais son TDAH a augmenté. Disons que l’ajustement de médication est complexe avec un cerveau complexe et que ce sont toujours des essais-erreurs. Cela me peine vraiment, car j’aurais aimé trouver le bon traitement dès le début. Mais je suis patiente comme toujours.
Mon fils parle sur Messenger chaque semaine à son enseignante de classe TSA et est peu réceptif, car pour lui ce n’est pas logique. L’école c’est l’école et lorsqu’il est à la maison, il est à la maison. Il est donc un peu mêlé.
Il a aussi des rencontres virtuelles avec l’orthophoniste, mais après quinze minutes, il veut raccrocher, car il ne comprend pas pourquoi il doit faire cela. C’est évident que mon fils autiste peut être dérangeant pour les voisins en télétravail, mais je n’ai pas le choix de le sortir dehors pour dépenser son trop plein d’énergie et croyez-moi, je le surveille!
Je cours après lui lorsqu’il fuit. Je tente de le convaincre de rentrer, mais je dois le forcer et le prendre pour l’emmener à l’intérieur. Le problème est qu’il commence à être grand et costaud.
Pourquoi, plutôt que de déposer une plainte à la police, la personne n’est pas venue me voir pour expliquer son malaise? Nous aurions pu nous expliquer. Plutôt que d’aider la mère, de s’intéresser à son enfant autiste, on dénonce la mère qui négligerait son enfant! Tout cela est faux.
Depuis la fermeture de l’école, il se sauve. Je passe beaucoup de temps à courir, et il est désorganisé. Il a besoin d’un encadrement… d’une structure scolaire pour apprendre, voir ses amis, voir les spécialistes en personne qui l’aideront, car il a des retards du développement.
Je suis triste de vivre cela, moi qui étais travailleuse sociale, qui est capable d’entendre la critique. Je passe mes journées à me justifier pour essuyer les frasques de mon fiston quand il va sur un terrain pour arracher des fleurs ou veut détacher un chat ou lancer un ballon dans la fenêtre ou encore, voir un chien à travers la fenêtre d’un voisin, et j’en passe.
J’ai déménagé en condo il y a un an et j’ai deux enfants autistes. Je ne pouvais pas prévoir la pandémie et, que par sa faute, on serait catégorisé comme une famille dérangeante. Dois-je déménager à nouveau ou essayer de chercher des solutions afin de prévenir un déménagement qui ne ferait que déstabiliser mes enfants?
La pandémie, je vais m’en souvenir toute ma vie! Ce stress constant qui m’oblige à prioriser mon enfant, car je ne peux pas travailler, et je suis en arrêt de travail depuis longtemps déjà, car, qu’on se le dise, s’occuper d’un enfant autiste avec des retards de développement et des comportements d’opposition difficiles à gérer c’est du travail non rémunéré avec tout le travail invisible d’intervention qu’on ne voit pas.
Je m’occupe de mon fils 24 sur 24. J’aimerais tant qu’il voit ses amis, qu’il aille à l’école. J’aimerais que les gens soient plus ouverts à la différence, qu’ils disent bonjour à mon enfant au lieu de l’ignorer. S’il fait une crise sur le gazon, j’aimerais que tous comprennent que la gestion des émotions est un apprentissage pour lui.
Son trouble de langage au niveau de la compréhension fait qu’il ne comprend pas pourquoi il ne doit pas courir partout et s’aventurer trop loin. J’attends ma montre GPS depuis trois semaines, mes portes sont sécurisées, je fais de mon mieux pour le protéger.
On dirait que je n’existe qu’à travers mon fils autiste. Je suis devenue inquiète qu’il vole des fleurs ou détruise un jardin ou qu’il aille parler à tout le monde pour montrer ses insectes qu’il a attrapés.
Peu de gens s’arrêtent pour nous parler, et mon fils n’a plus d’amis, car ses amis sont sa classe. Comme maman monoparentale et durant la période de confinement, je demande l’entraide, l’ouverture et le respect.
J’ai travaillé comme travailleuse sociale douze ans. J’aidais les gens vulnérables à améliorer leur qualité de vie. Je connais la DPJ et toutes les ressources. Là, c’est à mon tour d’être en arrêt de travail et d’avoir besoin de soutien et de prioriser mon fils et ma santé.
Le manque de soutien je le vis, l’isolement, les regards méprisants, les commentaires désobligeants, les critiques sur mon fils, le jugement aussi.
Mon plus grand souhait serait que les gens s’informent au sujet de l’autisme. Nous avons aussi une responsabilité collective avec les enfants autistes qui auront besoin de soutien longtemps ou toute leur vie.
Donc si vous voyez mon enfant se sauver et que vous me voyez en arrière qui court après lui, parlez-moi, je vous en prie, cessez de nous ignorer ou de juger, cessez de penser que je ne surveille pas assez mon fils qui est à l’aube de ses huit ans.
Ma vie équivaut à être en hypervigilance constante, à protéger mon fils tout en lui donnant la possibilité d’explorer et de jouer dehors. Certains enfants ne sont pas parfaits et apprennent de leurs erreurs.
Je me sens jugée et je sens surtout que nous n’avons pas notre place ici dans le quartier, car mon fils se fait réprimander sans cesse. J’ai vécu longtemps de la culpabilité d’être en arrêt de travail, de ne pas être une bonne mère, car mon fils n’écoutait pas ou faisait des crises en public.
Un homme a même osé crier après mon fils il y a un mois et m’a menacé d’appeler la police en blasphémant! Je suis stressée, car, dans le voisinage, il y a un ruisseau et des gens avec piscines qui n’ont pas de clôture.
J’ai mal pour les gens malades, pour les mourants du coronavirus, mais aussi pour les enfants pénalisés de leur droit à l’encadrement du milieu scolaire et à l’accès régulier aux spécialistes.
Je ne sais même pas s’il pourra aller au camp de jour et s’il y aura de la place. Si l’école continuait, je n’aurais pas de plaintes. Je n’aurais pas le cœur brisé par ce sentiment d’isolement, d’incompréhension et de jugement de la part de tout le monde.
Mon quotidien est exigeant, et la fermeture de l’école a été un drame pour moi. Mon fils régresse et va même jusqu’à uriner dehors ou se déshabiller. Quand la voisine me demande si j’ai honte des comportements inadéquats de mon fils ou un monsieur fait un commentaire désobligeant, tout hurle en moi!
Merci aux gens sensibilisés à la cause de l’autisme. Merci à ceux qui continuent à nous parler. Notre réseau social s’est effrité depuis le diagnostic de mon fils, et ses comportements qui suscitent souvent du jugement en pensant que le parent ne fait pas assez de discipline. Merci à ces gens d’exception qui, malgré la pandémie et la peur du virus, m’ont aidée lorsque mon fils s’est aventuré trop loin et que j’avais besoin de bras. C’est avec l’insomnie et le cœur gros que j’écris ce texte.
Entraidons-nous. La tempête sera plus facile à traverser. »
Décidément, ce texte m’a chaviré le cœur, et je ne sais par quel bout prendre ce récit de vie! Comment ferais-je moi en tant que maman monoparentale pour bien m’occuper de mes deux enfants autistes dans de telles situations? Serais-je outillée ou laissée à moi-même?
Amélie termine toutefois sur une bonne note, et je lui laisse le mot de la fin : « Merci de me lire et prenez soin de vous durant cette période de pandémie qui a déstabilisé la vie de nombreuses familles. On ne lâche pas! »
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