Les préjugés préhistoriques sur l’autisme

Par Josée Durocher

En tant que personne autiste, je suis victime des préjugés qui sont véhiculés au sujet de l’autisme plus souvent qu’à mon tour. Et les gens qui alimentent ces préjugés ignorent, pour la plupart d’entre eux, que ce sont des préjugés.

Je sais que la patience est la clé dans tout ça, mais il est légitime pour certains d’entre nous de perdre patience justement et de s’emporter devant ces croyances-dinosaures qui n’ont plus lieu d’être.

Qu’est-ce que l’autisme?

Ainsi, il n’y a pas d’image fixe de ce que peut être l’autisme. L’autisme est un large spectre et on peut se situer un peu partout dessus et à bien des endroits en même temps.

Dites-vous, si vous êtes alliste (non autiste) que l’autisme est un grand livre où chaque page recèle une surprise. Tantôt tristes, tantôt agréables, ces surprises ne sont pas données à tous les autistes et quand elles sont données à plusieurs personnes, elles se distinguent du fait de leur intensité.

Certaines de mes particularités

Moi par exemple, je ne suis pas confortable de regarder les gens dans les yeux à moins que je ne les connaisse bien. Je peux regarder des inconnus et croiser leur regard, mais cela m’empêchera d’être cent pour cent concentrée sur la conversation en cours.

Je n’aime pas être touchée par des inconnus. La sensation désagréable du toucher me reste longtemps collée à la peau !

Je n’aime pas les bruits stridents où encore lorsqu’il y a trop de percussion dans une musique… les solos de batterie me font mal aux oreilles !

Je n’aime pas certains éclairages. J’aime mieux les lumières chaudes que les lumières froides.

Certaines odeurs m’horripilent et d’autres… bien, j’ai du mal à m’en passer.

J’ai un animal de réconfort émotionnel. Je l’aime. Elle m’aime aussi. Et lorsque je fais une crise d’angoisse ou que je sens que le meltdown arrive, c’est en la caressant que j’arrive, la plupart du temps, à faire passer ça.

Je suis presque incapable d’aller consulter le dentiste. J’y vais obligée, car il faut bien y aller. Mais c’est l’enfer chaque fois !

J’écris à la vitesse de la lumière ! Et j’ai une créativité sans fond… je crée tous les jours et c’est comme mon air pour respirer !

Je suis autodidacte. J’apprends toujours par moi-même la plupart du temps et sur le tas. Je suis débrouillarde et dégourdie.

 se cache l’autisme?

Mais avec tout ça, les gens passent souvent à côté de mon autisme, embrigadés qu’ils sont dans leurs préjugés d’un autre temps ! Quand je tente de leur expliquer que je suis une personne autiste, c’est souvent en vain que je le fais, car ils ne me croient pas.

Je dois alors aussi expliquer que leurs références sont dépassées et c’est presque un cours magistral que je dois donner pour expliquer l’autisme et tout ce qui l’entoure.

Et puis, heureusement, il y a les médias qui parlent d’autisme de plus en plus… mais certains ne creusent pas vraiment et véhiculent aussi de nombreux préjugés !

À la rubrique des crimes, il faut croire que c’est payant de parler d’autisme. Oui, si un journaliste peut placer dans son texte que la personne suspectée d’un crime est autiste… il est heureux ! 

Difficile dans ces conditions de tenter d’éveiller les consciences avec ma seule voix. Ou plutôt devrais-je dire avec nos seules voix puisque nous sommes plusieurs à sensibiliser les gens.

Cette année, j’ai proposé une chronique atypique à la radio FM 103,3 La radio allumée et je suis heureuse de la présenter mensuellement. Mais je ne suis pas dupe et je sais très bien que ce n’est pas en dix minutes, une fois le mois que j’éveillerai beaucoup de consciences ! Néanmoins, je persiste sur cette lancée puisqu’il est évident qu’il existe des besoins criants en sensibilisation.

Maintenant, quand je dois prendre trente minutes, une heure ou plusieurs fois à sensibiliser quelqu’un, c’est plus fort que moi, je l’imagine en dinosaure… et j’espère sortir cette personne de la préhistoire.