Patrice Saucier ou comme un parfum de bonheur

Par Josée Durocher

D’emblée, je l’avoue bien bas, j’étais immensément nerveuse à l’idée de recevoir Patrice Saucier en entrevue. Ce n’est effectivement pas tous les jours qu’on interviewe un journaliste doublé d’un chroniqueur littéraire, poète de surcroît et je ne sais quels autres rôles qu’il a occupés dans sa vie!

Mais Patrice a été formidable, comme tous mes invités d’ailleurs. Accessible et généreux auront été les premiers qualificatifs dont je l’ai affublé dans mon esprit nerveux!

Si vous ne le savez pas déjà, Patrice est à a tête du blogue Papautisme où on peut lire ses écrits au sujet de l’autisme.  Il est également le père de Laurent, un de ces jeunes autistes qu’on peut voir évoluer dans les séries Autiste, bientôt majeur et Autiste, maintenant majeur qui font assurément beaucoup jaser depuis deux ans.

Moi, je voulais m’intéresser à l’homme, mais le père était là, bien présent. Impossible de les dissocier un de l’autre? C’est ce que vous pensez peut-être, mais à l’écouter parler du papa qu’il est et du parcours de son fils, de toute sa fierté pour ce dernier et de son admiration pour sa conjointe Sophie, il nous aide à dresser un portrait humain… des plus humains!

Des intérêts spécifiques et un diagnostic

À sa naissance, Laurent était prématuré et Patrice, pour passer le temps, s’est mis en tête d’apprendre le tchèque. Cet intérêt lui a finalement passé. Aujourd’hui, il parle couramment italien et collectionne les drapeaux de différents pays. Il ne me faut pas plus d’informations pour le questionner : serait-il autiste? « Peut-être bien que oui », me dit-il, mais il préfère se concentrer sur son fils Laurent pour le moment. 

« Quand Laurent est né, il était prématuré, et je passais mon temps à apprendre une autre langue… ça s’est estompé et j’ai développé depuis un autre intérêt (commun avec Laurent et Sophie) pour l’italien! »

Le diagnostic d’autisme de Laurent est tombé lorsqu’il avait 12 ans : autiste de niveau 1 et TDA (trouble de déficit de l’attention).

« Moi à ce moment-là, c’est comme si nous étions dans un manège, en pleine noirceur et qu’on se faisait secouer! Tout à coup quelqu’un a allumé les lumières. Grâce à ce diagnostic, nous avons pu mieux outiller Laurent pour son avenir et pour l’école secondaire. »

Patrice en profite pour me parler des jeunes autistes, des écoles privées et publiques… « Je siège au comité d’élèves ayant des besoins particuliers et je crois que le ministre de l’Éducation pourrait faire un peu plus pour eux tous. »

Mais Laurent va bien et il est heureux. « Maintenant, il prend une formation comme aide-cuisinier. Nous ne voulions pas lui mettre de la pression. Nous lui avons demandé ce qu’il voulait faire. Il est d’ailleurs en stage actuellement et fait œuvre utile chez les Fourchettes de l’Espoir, mais non seulement il fait à manger pour les personnes âgées, mais pour des élèves d’une école primaire aussi. Il fait une réelle différence dans la communauté. Il est toujours heureux de nous raconter sa journée lorsqu’il fait son stage. En plus, les gens l’aiment beaucoup! »

Les pères et leur réaction face à l’autisme de leur enfant

Depuis plus de 25 ans déjà, Patrice fait partie d’un couple au bonheur facile. Pour avoir discuté avec beaucoup de parents dont l’enfant est autiste, je sais que la cellule du couple doit être solide pour qu’elle demeure saine.

Patrice me confie : « Pour être honnête, il y a eu une désillusion. Moi par exemple je viens d’un milieu où l’école privée et l’excellence étaient très importantes. Oui, nous avons vécu certains deuils, mais honnêtement de la manière dont l’école publique s’est occupée et s’occupe encore de Laurent ce sont des châteaux forts de préjugés qui se sont écroulés!  Si l’on se braque dans nos propres deuils, on passe à côté d’une expérience remarquable! »

La télé et ses apprentissages

« Quelqu’un a parlé de nous à Pixcom, une société de production et de diffusion médiatique, et notre famille a été retenue à la suite de cette audition. Je trouve l’aventure très éducative pour les autres et également pour nous… Par exemple, des autistes non verbaux nous n’en côtoyions pas avant.

Ce fut tout de même une adaptation relativement rapide. Les gens oublient les non-verbaux qui sont capables d’émotions et de ressentir les choses. Ils sont touchés. Comme pour Matis, il exprime ses choses à sa manière et oui pour des non-initiés, cela peut surprendre…

On a tous un point en commun : l’autisme. Les gens sont maintenant plus sensibilisés, maintenant il faudrait que la société fasse sa part et en ce qui concerne l’État, il faudrait donner plus de moyens, car à 21 ans tout arrête au système public. Il faut se rappeler que lorsqu’on investit dans ces jeunes on sauve sur les soins d’urgence! »

Des projets et de beaux rêves!

Patrice se projette facilement dans l’avenir de Laurent, à la manière de Laurent! « Je me projette dans l’avenir, je l’écoute me parler de ses projets… Il veut une boulangerie ou une pâtisserie qu’il appellera Les copains d’abord et y mettra sur les murs une pochette de Brassens… Je m’amuse là-dedans et j’y crois! Si c’est ce qu’il veut faire, c’est ce qu’il fera! »

Laurent est somme toute de bonne humeur… Le fruit n’est donc pas tombé loin de l’arbre si l’on pense à la jovialité de ses deux parents. « Sophie a une âme d’enfant très forte, et nous nous amusons beaucoup… »

Patrice Saucier peut se vanter d’avoir une famille très inspirante qui respire la bonne humeur… ça fait du bien à voir. Leurs interactions avec leur fils sont empreintes de respect et d’amour. Décidément, Sophie et Patrice forment une très bonne équipe, et Patrice semble être un homme comblé. Quand le bonheur se sent juste à parler à l’autre, on a envie de le humer et de l’admirer!