Un article sur les jeunes personnes autistes qui fait réagir!

«Tenter de faire entrer un carré trop grand dans un cercle trop

petit ne peut qu’être souffrant!»

 

Dans son article du 27 avril 2024, intitulé «Un programme innovant pour les jeunes atteints d’un trouble du spectre de l’autisme», la journaliste Marie-Eve Cousineau parle de Nexus, un programme qui vient de l’Oregon et qui visait initialement la réhabilitation des jeunes contrevenants. 

 

Ce programme a été repris par le CISSS de la Montérégie-Ouest qui l’a «adapté» aux jeunes adolescents âgés de « 7 à 21 ans «atteints» d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou ayant une déficience intellectuelle (DI) légère et qui ont des comportements dits «antisociaux» : crises de colère, opposition constante, destruction de biens d’autrui, gestes prémédités de vengeance, vols, voies de fait, etc. »

 

Nous sommes trois personnes autistes et nous souhaitons répondre à cet article en toute connaissance de cause et parce qu’il nous fait hautement réagir.  Nous sommes attristées, bouleversées et fâchées.

 

Une clarification

Premièrement, nous aimerions profiter de cette tribune pour mettre une chose au clair une bonne fois pour toutes : nous, les personnes autistes, ne sommes pas «atteintes» d’autisme.

 

L’autisme n’est pas une maladie, un virus ou une contagion… c’est une condition neuronale qui fait en sorte que nous « sommes » différemment.

 

C’est une autre manière « d’être » au monde, ce qui n’est pas nécessairement mauvais en soi. Au contraire, bien que notre condition apporte son lot de défis, elle nous permet aussi d’être des gens novateurs dans plusieurs domaines et d’apporter de nouvelles solutions à plusieurs problématiques.

 

Nous préférons nous faire appeler autistes ou personnes autistes.

 

Ce point étant maintenant clarifié, nous espérons que vous aurez la largeur d’esprit pour mieux recevoir nos commentaires relativement à cet article.

 

Pas des chiens savants

Nous comprenons que tous les défis du spectre de l’autisme ne sont pas facilement réalisables, mais de là à traiter nos enfants comme de petits chiens savants qui apprennent à « obéir » à la récompense, il existe tout un monde !

 

Il serait important de connaître la structure du cerveau autiste pour pouvoir intervenir adéquatement et surtout il faudrait donner la parole aux personnes autistes pour pouvoir comprendre l’autisme. N’oubliez pas que nous, personnes autistes, vivons dans un monde qui ne nous ressemble pas et que bien que nous visions l’inclusion, nous sommes en constante adaptation.

 

Le jeune qui est placé devant le seul choix d’être récompensé ou non, va probablement vouloir la récompense, mais aura-t-il changé intrinsèquement ? Permettez-nous d’en douter. 

 

Être parent

Comprenez que nous ne blâmons nullement les parents qui sont parfois démunis de toutes informations concernant l’autisme et parfois surchargés par la vie quotidienne.

 

C’est pour cette raison que nous, personnes autistes, faisons de la sensibilisation et nous constatons qu’il y a encore beaucoup d’éducation à faire surtout auprès des institutions.

 

Pourtant, il a beaucoup de livres et d’écrits rédigés par des personnes autistes qui vouent leur vie à sensibiliser, expliquer, donner des outils et plus, il serait pertinent de les écouter et/ou de les lire.

 

Nous sommes des personnes autistes. Certaines d’entre nous sont parents d’enfants autistes aussi et nous connaissons les enjeux de la parentalité « autiste ». Il existe d’autres moyens, comme l’éducation positive, qui permettent de meilleures relations entre les parents et leurs enfants, dans la fratrie… entre tous !

 

Est-ce nécessaire de « casser » nos jeunes à coups de récompenses ou non afin qu’ils vivent bien en société ? Nous ne le croyons pas, non.

 

Est-ce que l’inclusion des personnes jugées « dérangeantes » passe inexorablement par ce genre de programme ? Nous ne le croyons pas, non.

 

La bonne entente, les liens familiaux sains et l’inclusion passeront par l’acceptation des différences et le fait de travailler avec celles qui dérangent vraiment en encourageant les changements d’attitude par exemple venant de l’intérieur plutôt que de l’extérieur comme ce programme le prône.

 

Sinon, entre avoir un chiot qui doit apprendre la propreté et un enfant, il n’y aurait pas de différence. 

 

Hypersensibilités sensorielles

Rappelons aussi que nous sommes souvent hypersensibles dans notre être et face à notre environnement, ce qui peut occasionner certains comportements qu’on dit dérangeants. 

 

Ce n’est pas en forçant les jeunes autistes à s’adapter à ce genre d’environnement qu’ils seront des citoyens heureux et qu’ils agiront comme les allistes (personnes non autistes). 

 

C’est en les encourageant à être qui ils sont vraiment dans différents environnements qu’ils apprendront à se connaître et qu’ils apprendront à interagir avec les autres. Ce n’est qu’ainsi qu’ils découvriront le véritable sens du bonheur et qu’ils seront conscients que les actions qu’ils posent peuvent avoir une incidence sur leur entourage.

 

Tenter de faire entrer un carré trop grand dans un cercle trop petit ne peut qu’être souffrant! Même si on donne des points de récompense, une sortie à l’arcade ou un sous-marin de 7 pouces ! Certaines d’entre nous n’auraient pas eu la force de survivre dans ce genre de « camp » de conditionnement. 

 

Là ou le défi se situe

Les jeunes ne sont pas toujours équipés pour comprendre les conséquences à leurs actions et leur entourage ne l’est pas toujours non plus quand vient le temps de leur expliquer.

 

Le défi ne se situe pas dans « l’entraînement », mais dans l’accueil et la compréhension des jeunes et, nous le répétons, dans une éducation positive.

 

Nous sommes plusieurs à donner dans la sensibilisation à l’autisme et nous avons été fortement interpellés par cet article. Force est d’admettre que les besoins en sensibilisation sont beaucoup plus grands que nous l’avions cru initialement.

 

Savoir que de tels programmes existent ici au Québec en 2024 nous sidère et nous espérons voir leur fin le plus tôt possible.

 

Josée Durocher, Autiste, autrice et sensibilisatrice

Lina Girault, autiste et éducatrice spécialisée

Mélanie Ouimet, autiste et co-chercheuse en autisme